Mal-être au travail … Et si j’avais croisé la route d’un paranoïaque ?

Personnalités dangereuses au travail

Aujourd’hui je vous propose de nous pencher sur le profil pathologique du paranoïaque. D’après l’oeuvre : Les personnalités difficiles ou dangereuses au travail (Éditions Elsevier Masson 2013) de Roland GUINCHARD, psychologue et psychanalyste spécialisé dans le lien au travail et l’ouvrage Le harcèlement moral au travail (Que sais-je 2014-2017) de Marie-France HIRIGOYENpsychiatre et psychothérapeute reconnue pour son expertise sur la question du harcèlement au travail.

Le difficile repérage d'un paranoïaque

Tout d’abord, la particularité des personnalités paranoïaques est qu’elles se révèlent sur le tard. Leurs comportements anti-sociaux s’installent progressivement jusqu’au jour où ils décompensent.

En effet, ils savent s’adapter à leur entourage et créer des alliances. Ce qui leur permet de gravir les échelons tout au long de leur carrière. Ils parviennent sans mal à occuper des postes à responsabilités car ils se montrent conformes à ce qu’on attend d’eux, soumis à l’autorité.

Leur comportement décrypté

Avant tout, seul le 1er cercle proche voit le comportement d’un paranoïaque. Il est à noter qu’il se montre extrêmement dur avec ses collaborateurs. Se sentant tout-puissant, il tyrannise ses subordonnés et même ses collègues.

Alors que le 2nd cercle, lui, peut-être sous le charme de quelqu’un d’un peu dur mais perçu comme compétent et efficace. D’autant qu’il a souvent l’apparence d’une personne exemplaire et généreuse qui donne de son temps aux associations par exemple, qui se présente en parent parfait, qui s’implique dans la revendication des droits des plus démunis …

Enfin, il n’ y a aucune réelle absurdité de raisonnement chez le parano. Il peut être brillant intellectuellement et professionnellementC’est surtout sa force de conviction qui fait la différence : madame / monsieur tout le monde sera attiré par quelqu’un qui a des certitudes et des convictions inébranlables (même si elles sont délirantes).

Leurs caractéristiques

1- Leur mégalomanie les fait s’épanouir dans des situations de pouvoir. Ambition, prétention … Ils surrestiment leurs capacités, exagèrent leurs accomplissements, pensent qu’ils sont meilleurs que les autres.

2- Ils s’identifient à leur territoire. Donc une atteinte fantasmée à leur territoire sera considérée comme une attaque personnelle. En effet, leur comportement s’aggrave en cas de restructuration ou mise en concurrence par exemple…

3- La méfiance : ils sont sans cesse sur leurs gardes avec l’obsession de devoir garder et surveiller leur territoire.

  • Les conséquences : Les tensions relationnelles sont fréquentes car leur attitude alterne entre distance, silence, changement de ton, remarques blessantes ou crises de fureur soudaines et démesurées. Cela a pour effet de glacer leurs interlocuteurs et provoque souvent consternation, incompréhension et malaise des collaborateurs. La relation avec un parano est rapidement insécurisante. Tout le monde se met à se méfier de tout le monde.

4- La persécution : quand la méfiance génère la solitude, le paranoïaque va trouver un allié, un confident, un protecteur, le considérer comme son protégé, son associé … Souvent il s’agit de quelqu’un qui lui ressemble sur un point d’identification : mêmes origines, mêmes difficultés personnelles ou professionnelles rencontrées à un moment de leur vie … À cet instant, il peut avoir l’air séduisant car il semble sérieux et inspire confianceSa volonté de plaire peut paraitre sincère. Son envie de créer cette relation privilégiée finit toujours par triompher. Par ailleurs, la relation fonctionne et semble très positive. Elle peut d’ailleurs l’être pendant un temps assez long. Le parano n’est plus seul dans son délire et son allié est fier d’avoir été désigné comme l’élu.

  • Jusqu’au jour où cela cesse pour des raisons (des prétextes) incompréhensibles aux yeux de l’allié. Il passe du statut de privilégié au statut de persécuteur sournois. Le voilà accusé de faire ciruler des rumeurs, des médisances, de monter un complot contre le paranoïaque. On le soupçonne de vouloir ternir l’image de son ex « associé », de l’isoler, de vouloir prendre son poste … La destitution est brutale et l’attaque qui suit l’est tout autant. L’élu d’hier est alors mis à l’écart, subit vexations et accusations de plus en plus gravesDans ce cas là, un autre allié peut rapidement prendre sa place.

5- La projection : ce n’est jamais de sa faute mais toujours celle des autres qui ne comprennent pas, lui veulent du mal, veulent freiner ses projets… Aucune remise en cause chez le paranoiaque. Plus il décompense, plus ses convictions et revendications sont fortes, incohérentes et de plus en plus accusatrices. Ses discours sont parsemés de menaces et d’accusations floues, imprécises et générales, mais toujours dites sur un ton étonnement convaincu

Le moment de bascule

Toutes situations de changement peut faire basculer le parano d’une attitude socialement acceptable à totalement délirante. Cela peut bien-sûr être provoqué par des bouleversements dans l’entreprise tels qu’une fusion, un regroupement, une restructuration de service …Mais cela peut aussi intervenir lors d’un changement de hiérarchique ou une réorganisation contraignant le parano à devoir se mettre à échanger par écrit, à rendre compte, à partager le pouvoir. La présentation d’un nouveau collaborateur perçu comme potentiel rival peut aussi entrainer la décompensation.

Son comportement lors de la décompensation

ÉCRIRE : 

Au départ il rédige des courriers officiels puis ils deviennent de plus en plus longs, incohérents avec des plaintes dont la gravité est variable. Il peut passer à l’écriture manuscrite. On peut noter une dégradation du style et du ton employé. Il peut se mettre à envoyer des copies à tout le personnel, aux dirigeants.

LE PASSAGE AU JURIDIQUE :

La plainte, le procès (qui le calme temporairement) sont des signes qui ne trompent pas. Les procès entamés vont durer très longtemps car il va changer d’avocat… Il va s’adresser aux plus hautes fonctions de l’état (cela peut aller jusqu’au président de la République, à la cour européenne des droits de l’homme …)

FAIT DIVERS :

Il arrive parfois qu’il y ait passage à l’acte. Parmi les forcenés, les désespérés se déclarant persécutés, les suicidés, un certain nombre étaient des paranoïaques.

Les propos et attitudes qui doivent alerter

« Je t’ai bien repéré, je lis dans ton jeu. Attention à toi, j’ai le bras long. Je peux anéantir ta carrière d’un claquement de doigt ».

« Celui qui ose vouloir me nuire aura affaire à moi, je le trainerai devant les tribunaux, j’alerterai les médias et la CEDH, je connais du monde… »

« Les gens sont tous des incompétents, ce n’est pas de ma faute, qu’ils se méfient car j’aurai des choses à dire, j’ai des dossiers… »

Et tous les comportements alternant le chaud et le froid. Par exemple, il agresse un collègue dans une crise de fureur puis s’adresse à lui tout à fait normalement le lendemain.

Quoi faire face à un parano ?

validé

Ne pas rester seul

Prendre la fuite si possible

Protéger l’entourage

Accepter la dimension juridique en cas de séparation contractuelle

S’il reste dans l’entreprise : ne pas le mettre en relation avec des collaborateurs, ne pas lui confier des tâches stratégiques ou avec un fort enjeu. (Lui proposer un « placard protecteur » sur mesure.)

Attention : lorsqu’ils se font hospitaliser ou démarrent un suivi psy, c’est uniquement  pour démontrer le harcèlement dont ils se disent victimesIl peut rendre le change vis-à-vis de l’entourage et même du médecin. Il faut donc renoncer à toute espèce de relation normale avec un paranoïaque. Ne pas avoir l’illusion du partage en s’imaginant qu’avoir une bonne discussion avec lui permettra de modifier son comportement.

La peur peut amener les gens à rester figés. Et c’est ainsi que plus aucunes remarques ne lui seront faites. Toutes les décisions importantes de l’entreprise tourneront alors autour de lui. De même, multiplier sourires et séductions pour l’amadouer, et imaginer ainsi ne pas se retrouver sur son chemin en cas de crise, est une erreur.

Il convient donc de rester bienveillant, distant et impeccable. Tenter d’être toujours formel : ne jamais exploser face à l’absurdité ou la provocation. Être d’humeur égale, clair, courtois et poli. Il faut parler travail et rester factuel. Il faut veiller à maintenir un lien professionnel standard.

(images du site Canva)

Publications similaires

Un commentaire

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *